vendredi 8 mars 2019

L'hypocrisie

Mon petit lapin de Garenne, j'espère que tu vas bien, ça fait longtemps.

Aujourd'hui je suis venue te parler d'un sujet qui me révolte mais qui mérite un petit historique de ma réflexion.

J'ai longtemps associé les documentaires télévisés aux samedis après midi passés avec mon père à regarder sur France 5 la nidification de la tourterelle des bois dans le marais poitevin. Ambiance feutrée, pluie dehors, et petite musique guillerette qui sort du téléviseur avec une voix off qui te tient un peu en haleine.
Depuis quelques années, je regarde des documentaires par moi-même, grâce à Arte Tv, grâce à Netflix, ou grâce à Youtube. C'est d'ailleurs une de mes principales source d'information, avec les 3 pauvres titres du Monde sur mon téléphone et la lecture très rapide du journal local au boulot (principalement la page décès,la météo et les articles sur ses p*t*** de travaux qui durent depuis 2 ans dans ma ville).
Le dernier reportage que j'ai vu, c'était "The True Cost" sur Netflix. C'est un reportage d'1h30 qui parle de l'industrie du textile. Je te rassure tout de suite, on est loin du ton canidé d'Elise Lucet. C'est un documentaire très bien fait qui aborde les différentes problématiques de la Fast Fashion dans le monde d'aujourd'hui.
Alors je te le dis clairement, ce docu m'a traumatisée.Une grande claque dans ma figure j'ai pris.
Comme nous tous, je savais sans savoir, je ne voulais sans doute pas savoir, j'avais les écoutilles d'une consommatrice occidentale avec un salaire correct. Je tiens à te préciser tout de suite que l'objet de cet article n'est pas du tout de te faire culpabiliser. C'est uniquement de l'information. Tu en fais ce que tu en veux.

Il faut tout de même que je précise qu'en 2018, pour des raisons financieres en premier lieu, j'ai changé ma façon de consommer la mode. Moi, qui avant pouvais dépenser jusqu'à 300€ par mois en vêtements/chaussures/accessoires/lingerie, j'ai diminué drastiquement pour ne plus dépenser qu'environ 60/70€ grand maximum.
J'ai d'ailleurs développé mon activité sur Vinted, ça m'a permis de faire un grand tri dans mes affaires, de gagner de l'argent et de le dépenser dans des affaires de seconde main. Je me suis davantage tournée vers du solide et du qualitatif, et j'ai arrêté d'acheter des choses que je n'étais pas certaine de porter.
Tout ça n’était pas spécialement en lien avec des convictions, c’était juste un besoin de faire de la place et d'économiser de l'argent (pour payer ma facture d’électricité d'un poumon et demi).
Naturellement, j'ai aussi limité ma consommation de plastiques, et donc de ses dérivés textiles. Je ne suis pas vegan, donc je continue d'acheter du cuir par exemple, et j'avoue le préférer aux chaussures synthétiques.

Donc j'étais novice en matière d'informations sur l'industrie du textile. Comme beaucoup, j'ai entendu parler du travail des enfants pour Nike, de l'effondrement du Rana Plaza au Bengladesh, et globalement de la fermeture de toutes les usines de textiles en France depuis les années 1990.
Mais bon, face à ce joli petit pull Kiabi à 12 balles, j'oubliais vite que potentiellement il avait été fabriqué de façon pas très catholique. Je ne suis pas la seule n'est-ce-pas?

Comme je ne suis pas certaine que tu vas aller regarder le reportage que j'ai cité, et que j'ai quand meme envie de t'informer de ce qui se cache derrière Zara, Primark et Kiabi, je vais donc te faire un résumé rapide de ce que j'ai appris dans ce documentaire.

-Tout d'abord, sache que l'industrie du textile est la plus polluante au monde après l'industrie pétrolière. Les deux sont d'ailleurs très liées car les matières sont de moins en moins naturelles est issues de plus en plus du pétrole. Ensuite c'est une industrie très gourmande en eau et autant te dire que l'eau qui ressort de l'usine de jean, elle n'est pas clean clean et elle va direk dans la terre. Quant au coton,certes, c'est une fibre naturelle, mais c'est la culture qui reçoit le plus de pesticides dans le monde. Non seulement les plants sont en grande majorité génétiquement modifiés, mais en plus ils sont aspergés quotidiennement de pesticides dégueulasses qui entraînent des malformations importantes sur des enfants de villages d'Asie du Sud Est. Il y a aussi la production de cuir qui est affreusement polluante malheureusement : 80 % du cuir est fabriqué en Asie, et par exemple, au Bangladesh, il ya tous les jours 22000 litres de déchets de tannerie (donc produits chimiques à gogo) qui sont déversés dans la rivière. Le Gange, lui aussi prend cher, il est d'ailleurs le fleuve le plus pollué du monde.

-Ceci m'amène au deuxième point : il n'y a pas très longtemps mon amoureux érudit m'a dit "Tu sais, la manière employée la plus récurrente dans le monde pour se suicider c'est l’empoisonnement aux pesticides". Sur le moment je me suis dit que c'était étrange, étant au quotidien, dans mon travail, en présence de personnes étant déjà passées à l'acte, je n'avais vu qu'une seule fois ce type de tentative. Et puis en fait c'est devenu limpide dans le reportage : Monsanto ayant le monopole des cultures de coton en Asie, il tient au collier des milliers d'agriculteurs qui sont endettés par les achats de pesticides nécessaires sur leurs cultures pourtant OGM. En gros, on leur a dit il y a quelques années : "Achetez ces graines OGM très chères, c'est la promesse d'une grande productivité avec zero bestioles " et puis finalement l'année suivante "Oh mince, ce nouvel insecte dévore les cultures si belles, pas de problème, achetez nos pesticides très chers pour l'éradiquer". Donc, les fermiers, endettés, et ne pouvant faire machine arrière, se suicident. Difficile de donner un chiffre précisément pour la culture du coton, mais 1 agriculteur indien se suiciderait toutes les 30 minutes.

-Ensuite, parlons pognon. Quand tu achètes une parka moletonnée 10 balles à Primark, tu considères que tu fais une belle affaire. Petite analyse personnelle : Tu te dis ça parce que compte tenu du coût de la vie, de ton salaire mensuel, et de la vraisemblable qualité de ce que tu as devant tes yeux, tu achètes ce vêtement à un prix qui défie toute concurrence. En fait, tu admets, en te disant que tu fais une affaire, que ce n'est pas réellement le prix auquel tu devrais le payer, n'est ce pas? Tu penses le  payer moins cher que ce qu'il vaut vraiment...En tout cas c'est ce que tu penses (de façon inconsciente, sur le coût éthique de ton produit).  Et bien en fait, malheureusement, non. Car oui, à 10 balles le manteau, Primark se fait une jolie marge.
Pourquoi? Parce que un salarié du textile au Bengladesh gagne 56€ par mois en moyenne en travaillant 6/7 jours, travaille 10h par jour et fait parfois un trajet de 2h pour aller travailler. Ce salarié ne peut pas élever ses enfants , et va travailler tous les jours dans des immeubles ne répondant à aucune norme de sécurité et risque donc sa vie quotidiennement. Il est soumis au rendement avec des pressions de ses supérieurs, et tout acte qui s'apparenterait à du syndicalisme est considéré comme de la rébellion et est donc soumis à des sanctions. Qui sont les patrons de ses usines? Des entrepreneurs qui eux, sont pris au collier par les grands distributeurs que l'on connait. A qui on dit tous les jours "Vous ne pouvez pas me produire ce tshirt à 0.80 cents? Tant pis pour vous on ira voir la concurrence".
Le problème est principalement dans ce pays. Par comparaison, un salarié du textile en Chine gagne 215€/ mois , on est d'accord qu'on est loin de la dignité mais c'est pour te faire comprendre que le Bangladesh c'est vraiment, vraiment le pire.


Voilà, en gros, c'est ce que raconte le documentaire. C'est beaucoup mieux développé et documenté que mon petit article miteux mais au moins t'as les bases.
Il explique le plus simplement du monde que, pour satisfaire des envies matérielles que nous inculquent la publicité et la société depuis notre plus jeune age, nous sommes au quotidien responsable indirectement d'esclavage, de pollution et de morts d'autres humains.

Avoue que c'est violent d'apprendre tout ça.

On en vient alors au titre de cet article. Aujourd'hui , c'est la journée internationale du droit des femmes. Pour l'occasion, beaucoup de marques surfent avec plus ou moins d'habileté sur la vague.
On va passer sur les fleuristes qui n'ont rien compris au concept et qui pensent qu'il s'agit d'une 2eme St Valentin, on va s’intéresser au marques qui font du green washing...
Allez au hasard... CAMAIEU

Tu as lu la petite ligne?Grands seigneurs, hein?! On salue l'initiative, des sou-sous pour une association qui lutte pour le droit des femmes blablabla (mais attention hein, si tu l'achètes demain le tshirt ça ne fonctionne plus,  c'est aujourd'hui ou jamais).
En prévision de cet article, et étant sûre de moi, je suis passée en boutique tout à l'heure :
Voilà voilà. Alors pour le droit des femmes on repassera quand ils se repencheront sur les droits de l'Homme déjà. 


Alors évidemment, on ne peut pas changer du tout au tout, se promener tout nu, bien que ce soit une expérience enrichissante, n'est pas toléré dans notre société occidentale, et coudre ses vêtements n'est pas donné à tout le monde. S'habiller uniquement de marinieres Armor Lux semble aussi ambitieux, financièrement déjà, et puis stylistiquement ensuite...
Mais rassure-toi, il y a des choses que toi et moi on peut mettre en place.
¤ Acheter d'occasion déjà, c'est un grand pas. Il y a Vinted, les fripes, Emmaüs, les Dépots Vente chics... Il y a 80 milliards de vetements fabriqués chaque année, tu devrais trouver ton bonheur.
¤ Regarder les étiquettes au maximum, un article qui vient d'Europe (oui oui ça se trouve) c'est déjà vraiment moins pire.
¤ Se demander si on a vraiment besoin ou envie de cette petite chose mignonne devant nos yeux. Et si vraiment on craque, essayer de se dire que c'est le seul achat du mois de ce type.

Allez, tu le fais avec moi??






1 commentaire:

  1. Merci pour ton article très clair et pertinent. Il ne faut pas perdre espoir je pense que les mentalités évoluent, je viens de t'envoyer une vidéo sur le sujet.
    Tu rappelles que nos actions peuvent avoir un fort impact, même à l'autre bout du monde. C'est bô.

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